Le début de carrière du Barentinois (8 v) est atypique : il s’est paré du titre national professionnel des moyens, à vingt-deux printemps, avec seulement huit combats au compteur après une victoire aux points, contestée, aux dépens de Moughit El Moutaouakil (15 v, 1 n, 2 d), le 5 octobre, à Monte-Carlo. Confessions d’un pugiliste détonnant.
Vous voilà champion de France après avoir accepté au pied levé d’être cochallenger…
J’ai eu un peu de temps pour redescendre et me remettre de l’impact du titre. Les premiers moments ont été compliqués parce que l’on m’a accusé d’avoir volé ma victoire. Au départ, j’ai donc eu un peu de mal à savourer la victoire. D’ailleurs, quand je suis rentré à l’hôtel après le combat, je n’ai pas fêté ma victoire. Je l’ai regardé trois à quatre fois en m’efforçant d’être le plus objectif possible. Ce n’est vraiment qu’après ça que je me suis dit que ce que l’on me reprochait n’était pas vrai. J’ai alors pu savourer mon succès. J’ai été sous le feu des projecteurs très vite mais cette ceinture est un grand bonheur, pour toute ma famille et pour mes amis.
Vous avez forcé votre destin…
Quand j’ai vu, sur Facebook, que l’on cherchait un cochallenger, j’ai appelé Maxime Beaussire qui est mon promoteur et mon ami. Je lui ai dit : « On y va ? » Il m’a répondu : « Bien sûr. » Et voilà (sourire). Il n’y a pas eu d’hésitation car c’est une chance qui, sinon, ne se serait pas présentée aussi vite. J’ai donc sauté sur l’occasion. Et, jusqu’à preuve du contraire, j’ai bien fait ! Je n’étais pas classé car je n’avais pas, à mon actif, le nombre minimal de combats, à savoir dix, requis pour disputer un championnat de France. J’ai donc appelé la Fédération pour demander une dérogation sachant que personne, dans les dix premiers du classement national de la catégorie, n’avait accepté de faire ce combat.
« S’il doit y avoir une revanche, il y en aura une »
On se risque à vous poser la question : êtes-vous convaincu d’avoir gagné ?
Oui, bien sûr. Même si le combat a été très serré, ce dont je suis conscient, les gens ont vu que malgré la déferlante de frappes déclenchées par Guito, beaucoup étaient bloquées tandis que nombre de mes remises touchaient. Même s’il a été plus intensif que moi, on ne peut pas contester que j’ai été plus précis. Or, la boxe professionnelle donne la primauté à celui qui comptabilise le plus d’impacts sur les zones autorisées. Et je pense que c’est moi qui ai excellé dans ce domaine. Par ailleurs, ma technique et ma stratégie étaient meilleures. Il y a un ressenti quand on boxe : là, à chaque fin de round, plus les reprises passaient, plus je savais qu’il s’avait qu’il perdait. Cela se voyait. Ceci dit, je ne suis pas là pour dire que j’ai gagné haut la main. Je pense l’avoir emporté parce que l’on m’a appris une boxe qui est le noble art, c’est-à-dire toucher sans se faire toucher. Je me suis toujours entraîné très dur pour ça.
Toutefois, le Président de la FF Boxe, Dominique Nato, a ordonné une revanche…
Il n’y a pas de souci. S’il doit y avoir une revanche, il y en aura une. Il n’y aura aucun problème si cela se fait dans de bonnes conditions et que l’on s’entend. On verra ça en temps voulu, sachant que depuis ma victoire, j’ai reçu beaucoup de propositions.
Pas grand monde ne vous connaissait avant ce succès. Qui êtes-vous, en fin de compte ?
J’habite Saint-Pierre-de-Varengeville, en Seine-Maritime. J’ai commencé la boxe à quatorze ans, à Barentin. J’y suis toujours licencié. Je n’ai jamais quitté mon club. J’ai tout de suite aimé, dans ce sport, le dépassement de soi et la dimension à la fois stratégique et scientifique de ce sport. Je suis un addict de l’entraînement et du travail.
« Je ne fais que de la boxe et je n’ai pas d’emploi à côté »
A vous voir et à vous entendre, on serait enclin à penser que vous n’avez pas un tempérament qui vous prédestine à ce sport…
Oui parce que l’on est encore beaucoup dans le stéréotype qui voudrait que les personnes qui font de la boxe doivent venir des quartiers. A mon âge et malgré le fait que je sois issu d’une petite campagne, j’ai vécu bien plus de choses que ce que certains assurent avoir vécu. Je sais ce que je veux, pourquoi je m’entraîne et je me mène la vie dure, en particulier pour mon père. Je rêve de lui donner une vie et une retraite meilleures mais également de prouver aux gens, aux enfants et aux adolescents que peu importe l’âge, on n’a pas le droit de nous enlever nos rêves. Quand j’ai commencé la boxe, on m’a toujours dit que je ne ferais rien et que passer professionnel serait peine perdue parce que je suis issu d’une petite ville, que j’ai une gueule d’ange et que je ne suis pas taillé dans la pierre. On m’a dit que je ne pourrais espérer, au maximum, que remporter le Critérium. Or, aujourd’hui, je suis dans le top 80 mondial du classement Boxrec. Je veux partager ma philosophie de vie avec les gens de mon âge : tout n’est que travail et il faut rêver. Moi, j’ai décidé de faire tout ce qui est possible parce que je souhaite réussir dans ce milieu. Je veux m’en donner les moyens afin que mes rêves deviennent réalité.
Concrètement, qu’est-ce que cela signifie au quotidien ?
Je ne fais que de la boxe et je n’ai pas d’emploi à côté. J’essaye de trouver un maximum de sponsors pour financer mes saisons et pouvoir m’entraîner tous les jours. Je survis et je fais du mieux que je peux. C’est une décision que j’ai prise et je ne peux donc pas m’en plaindre. J’estime que si je veux atteindre le niveau supérieur, il faut que je m’entraîne quotidiennement avec mon coach à Barentin, Jean-Michel Levasseur, et que je consacre ma vie à ça.
Propos recueillis par Alexandre Terrini