En l’emportant, le 27 mai, en quart de finale des championnats d’Europe, à Erevan, les deux Tricolores sont assurés de monter sur le podium. Mieux, ils ont été brillants dans le carré magique et donné la pleine mesure de leur indéniable talent.
Bis repetita pour Lounès Hamraoui (-63,5 kg) qui a triomphé de l’Écossais Reese Lynch à l’unanimité des juges (5-0). Pourtant, ces derniers ne lui avaient pas accordé le premier round alors que c’était bien lui le plus précis des deux mais… en reculant. Visiblement, pareille stratégie sonnait – au demeurant à tort – comme un aveu d’impuissance aux yeux des officiels. C’est pourquoi, dès la deuxième reprise, sur les conseils du coin, il enclenchait la marche avant, ses touches devenant alors plus impactantes et donc plus lisibles. Pour preuve, le Britannique était compté deux fois. Dès lors, la supériorité technique du Normand, sa rapidité gestuelle, sa solidité défensive, sa propension à combiner et tutti quanti étaient bien pris en compte et le pointage tournait fort logiquement à son avantage.
A l’évidence, le champion de France a fait sa mue, en étant beaucoup plus maître de lui-même et consistant entre seize cordes. Tactiquement, il est également devenu beaucoup plus lucide. « Il a vraiment passé un cap, surtout psychologiquement, convient l’entraîneur national, Malik Bouziane. C’était dans sa tête que cela bloquait alors qu’à la base, il a toutes les qualités : il est mobile, il a un bon coup d’œil et un bon timing etc. Désormais, il a beaucoup plus confiance en lui. Il a notamment beaucoup progressé en ce qui concerne les moyens de défense. » Le Rouennais affrontera, en demi-finale, l’Espagnol Adrian Thiam Creus qu’il a battu lors des deux rencontres entre les deux pays. Ce qi n’ind-uira pas pour autant, chez lui, le moindre complexe de supériorité.
« UNE PERFORMANCE PARTAGÉE » AVEC LES CLUBS
A noter que Lounès Hamraoui comme Billal Bennama sont des purs produits du pôle France jeunes de Nancy dont ils ont fait les beaux jours. « Mais il convient, en outre, d’associer leurs pères respectifs (Salem Hamraoui et Mohamed Bennama, N.D.L.R) à ce succès dans la mesure où, en tant que coachs, ils ont effectué un gros travail de formation au sein de leur club », rappelle Malik Bouziane qui insiste sur « cette performance partagée ».
Nous allons tenter, ce jour et les suivants, de vous en conter les plus jolis moments !
Commençons par le combat qui aurait pu changer la face du monde pugilistique pour notre région… Le championnat du monde de Pierre Langlois contre Bobo Olson à Chicago…
En quatre combats, la jeune honfleuraise de 17 ans a mis l’Europe de la boxe à ses pieds !
Ses pieds à elle, elle les garde bien sur terre et si elle se déclare heureuse et satisfaite de ce premier grand titre international, elle ne compte pas s’arrêter en si bon chemin ; elle a décidé d’aller tout dévorer et ne rien laisser aux autres !
Rencontre avec une jeune fille souriante mais déterminée, stressée mais sûre d’elle, humble mais ambitieuse bref… une championne comme on les aime à Normand dis !
Bonjour Kaelya, comment vas-tu ?
Je vais super bien, tu t’en doutes (rires), j’ai un peu de mal à réaliser que je suis championne d’Europe mais je suis super heureuse et satisfaite du résultat par rapport à tout le travail accompli !
Raconte-moi un peu tes premières impressions lors de ton arrivée en Bulgarie …
J’étais vraiment tranquille, pas stressée, heureuse d’être là même si j’avais un peu de mal à y croire.
Comment s’est déroulé ton premier combat ?
Le stress a commencé à arriver lors de l’échauffement, pas de panique mais plutôt la peur de mal faire, de louper mon combat.
Cette impression ne fait que grandir jusqu’à ce que j’arrive sur le ring et là… fini !
J’ai juste envie que ça sonne et qu’on commence enfin ! (rires)
Au deux, la Bulgare que je savais vice-championne d’Europe, cherche à boxer en avançant, je la contre puis je prends l’initiative et la fais reculer, ça passe sans trop de soucis malgré le fait qu’elle soit à domicile. (Nikolinka Boyadzhieva Bulgarie 5.0).
Ensuite la Turque
Oui pas trop de soucis non plus car c’est une boxeuse qui rentre dedans mais pas technique, j’ai réussi à esquiver puis remiser par les côtés, je ne me suis pas sentie en difficulté dans ces quarts de finales ! (Pinar Oskan Turquie 5.0).
Pareil pour l’Espagnole en demi ?
Houlà non ! (rires) sur ce combat je commence mal, je n’ai pas vraiment de tactique et sa boxe me dérange… je perds le premier round !
Heureusement mon entraineur définit la bonne tactique et mon père, présent dans la salle, m’encourage et mon conseille également !
Je reviens dans la seconde et confirme dans la dernière, prête pour la finale !
(Maria Luna Aragon Mairena, Espagne 3.2)
Parlons-en de ton papa, il t’a fait une sacrée surprise en te rejoignant en Bulgarie…explique nous comment ça s’est passé ?
Un truc de fou !!! (rires) je suis dans la salle en train de m’échauffer avec la musique du portable dans les oreilles et là, ça sonne !
Je décroche et mon père me dit :
« Regarde à ta gauche ! »
Je vois un petit bonhomme au loin, c’est lui !
Il a fait toute la route en voiture pour venir me rejoindre à vingt minutes de la demi-finale, j’en pleure tellement c’est énorme, c’était une émotion incroyable et difficile à décrire !!!
Du coup ça t’a donné de la force pour la finale également ?
Evidemment, mon père c’est mon phare, c’est ma force, il a toujours cru en moi et même si ça n’a pas toujours été simple entre nous, il a toujours été derrière moi !
Je monte sur le ring très déterminée, avec une adrénaline positive même si je n’ai quasiment pas dormi de la nuit !
Dans le combat, j’écoute mon entraineur et les conseils de mon père…je sais que le combat se déroule bien pour moi, j’arrive à avancer ou à la contrer, tout passe ou presque !
Mais lorsque le résultat est annoncé…quelle émotion !!!, je n’ai pas les mots, c’est juste incroyable !!!
A quoi penses-tu pendant la Marseillaise ?
A tout le chemin parcouru avec mon père et Alain Vastine !
Ca n’a pas toujours été évident ;
Il y a deux ans, j’ai pris pas mal de poids et je n’avais plus l’envie…les disputes étaient fréquentes à cette époque avec mon père et j’ai fini par laisser tomber la boxe.
Mais ça me manquait trop, on a décidé d’un commun accord d’aller chercher les conseils d’Alain à Pont-Audemer car il y avait énormément d’affectif entre mon père et moi et s’il continue de m’entraîner, Alain m’amène la discipline dont j’ai besoin !
J’ai perdu beaucoup de poids et les sensations sont très vites revenues, meilleures même !
Alain a la réputation d’être dur….
Je confirme ! (rires) dur et exigeant mais c’est normal si tu veux performer à haut niveau, on a rien sans rien !
Ceci dit, une fois qu’Alain te fait confiance, qu’il sait que tu es là pour bosser, si un jour tu es en dessous, il ne t’en veut pas, il sait bien que je suis disciplinée et que j’applique ce qu’il souhaite.
Du coup, on travaille en confiance.
Parles-nous un peu de tes projets…
Dans quelques jours vont avoir lieu les Gymnasiades (sorte de JO pour les juniors), j’ai l’avantage de boxer à domicile et j’espère bien, là aussi, aller chercher l’or !
Ensuite, en novembre, auront lieu les Championnats du Monde Juniors, j’espère là aussi récolter l’or, ce sera le minimum (rires).
La Française (-52 kg) a été impressionnante de maîtrise pour dominer (5-0) l’Anglaise Lauren Mackie en finale des championnats d’Europe juniors, à Sofia. Un avènement aussi mérité que prometteur.
« Kaelya a vraiment fait le combat qu’il fallait, sourit, soulagé, l’entraîneur national Mohamed Taleb. Face à la Britannique qui travaillait bien campée sur ses appuis et qui cherchait à frapper davantage en force qu’en séries, l’objectif était de l’empêcher de s’installer et de ne pas la laisser se poser. Pour cela, Kaelya a sans cesse été active en veillant à commencer les échanges, parfois en contre-attaquant, et à les terminer, toujours en ayant les main biens hautes. Elle a suivi le game plan, quitte à accrocher un peu pour récupérer. Dans la mesure où elle avait remporté les deux premiers rounds et qu’elle était quelque peu émoussée physiquement dans le troisième, elle a alors géré en occupant au maximum l’espace du ring. » Bref, la Normande a rendu une copie de grande qualité.
« ELLE A LE PROFIL POUR FAIRE DU HAUT NIVEAU »
« Tout au long de ces championnats, elle a fait preuve d’une remarquable détermination qui a payé, renchérit Mohamed Taleb. Elle a fait le taf en étant vraiment à l’écoute et en appliquant les conseils qui lui étaient donnés. C’est quelqu’un qui en découd avec sa tête et… sa puissance appréciable pour une -52 kg. Elle a affronté des adversaires aux styles différents en réussissant à chaque fois à s’adapter et à varier sa boxe. »
Néanmoins, les axes d’amélioration sont identifiés afin que la prochaine transition avec les seniors se passe sous les meilleurs auspices : « Kaelya doit travailler la gestion de ses émotions car elle a trop tendance à faire le combat avant le combat, ce qui lui fait perdre de l’énergie, pointe Mohamed Taleb. A elle d’arriver à faire le vide. De même, est-elle encline à s’énerver quand les choses ne tournent pas comme elle le voudrait entre seize cordes. Sur le plan tactique, il faut qu’elle évite de sortir trop loin pour ne pas avoir du mal à revenir et à initier une nouvelle action. Elle est encore perfectible mais elle est dans les temps. Elle a le profil pour faire du haut niveau. Cela a été un grand plaisir de l’accompagner lors de cette compétition. » Plaisir partagé.
La Normande (-52 kg) a répondu présent, en quart de finale, en battant (5-0) la Turque Pinar Ozkan. Une performance de choix dans la lignée de ce qu’elle a montré depuis le début de cet Euro.
La Française était des plus stressées dans le vestiaire, à l’heure de monter sur le ring. Si la chose n’est pas rare chez elle, elle a l’immense mérite de ne pas lui faire perdre ses moyens et de ne pas la paralyser. Tant mieux car la Turque avait du répondant en étant en mesure d’avancer et de cadrer tout en cherchant à enfermer la Française. Pour échapper à un pareil sort, cette dernière a boxé sur les jambes, en désaxant systématiquement, que ce soit dans les phases offensives ou défensives quand il s’est agi de remiser et de contrer Pinar Ozkan. Elle s’est d’emblée imposée en étant entreprenante, si bien qu’elle n’a jamais laissé sa rivale s’installer.
« KAELYA EST CAPABLE DE RIVALISER AVEC LES MEILLEURES »
Une prestation maîtrisée qui a séduit l’entraîneur national, Mohamed Taleb, lequel a apprécié la lucidité de sa protégée et d’abord, son aptitude à appliquer les consignes du coin. « La connexion fonctionne bien avec elle, se réjouit-il. Chez elle, la dimension psychologique est importante. »
Un aspect que l’entraîneur national ne négligera pas en demi-finale. Kaelya Mopin y retrouvera l’Espagnole Maria Mairena Aragon Luna qu’elle a déjà battue et qu’elle ne sous-estimera pas pour autant. Le tout sans mettre la charrue avant les bœufs. « Je ne répondrai pas à la question de savoir si Kaelya a les moyens d’aller au bout de la compétition, sourit Mohamed Taleb. On prend chaque combat l’un après l’autre. Disons qu’elle est capable de rivaliser avec les meilleures. » De bon augure.
Alexandre Terrini
Prochaine étape – la 1/2 finale ce mercredi 20/04 – Kaelya vs Mairena Aragon Luna Maria (Esp)